Patrick Blanc

Publié le par Betty

Le jardin vertical, un écosystème sans terre
ou quand la nature fait le mur
 
Personne ne connaît mieux que lui les secrets des plantes qui s'accrochent, s'agrippent et grimpent. Ce qui devait arriver arriva: il inventa le jardin vertical. Depuis, il en installe partout.
 
 

 
14 ans, Patrick Blanc plantait déjà des fleurs sur les murs du jardin de ses parents, en banlieue parisienne. Ces palissades couvertes de fougères accrochées sur un grillage intriguaient les voisins. Le jeune garçon à la main verte est devenu un botaniste de renommée internationale. Et en plus, on le réclame partout pour créer des murs fleuris. Car personne, en France, ne connaît mieux que lui les secrets des plantes qui s'accrochent aux troncs, s'agrippent aux remparts et aux falaises.
Pendant des années, Patrick Blanc a couru les tropiques pour comprendre toutes les stratégies inventées par les végétaux pour croître quelles que soient les difficultés.
 A 19 ans, il se teint les cheveux en vert et part explorer les forêts de Thaïlande et de Malaisie. C'est là qu'il développe son sujet de thèse sur la biologie des sous-bois tropicaux. Un domaine jusque-là ignoré: «Personne n'avait vraiment étudié comment ces végétaux qui ne reçoivent presque pas de lumière arrivent à survivre.» Pour capter le peu de soleil qui arrive jusqu'au sol à travers le feuillage des espèces de haute futaie, les arbrisseaux inventent une multitude de formes, font varier l'aspect et le relief de leurs feuilles. Pour mieux se perpétuer, ils sont capables de se reproduire par tous les bouts, en multipliant leurs petites racines et leurs troncs effilés, en se bouturant par les feuilles s'il le faut.
Patrick Blanc s'intéressera ensuite à la canopée - ces sommités feuillues des grands arbres. Il participe aux deux expéditions françaises sponsorisées par Elf, au Gabon et en Guyane, et vit pendant des semaines sur ces «radeaux des cimes», à plusieurs dizaines de mètres au-dessus du sol. Là-haut, tout est différent. La lumière est intense, l'arrosage se fait sans électricité, les insectes et les oiseaux sont omniprésents. Tandis qu'entre les sous-bois et les sommets il y a toute une gamme de buissons, de fleurs, de lianes qui s'agrippent à presque rien et vivent de pas grand-chose. C'est là que le chercheur trouve des idées pour améliorer les murs plantés de son adolescence.
Dans son jardin de Créteil, Patrick expérimente. Il met au point son système, aujourd'hui breveté, de feutre polyamide arrosé d'eau additionnée d'engrais. Un secret: ce feutre spécial permet de ne mettre que très peu d'eau et l'arrosage se fait sans électricité. Les plantes sont enracinées dans des petites poches aménagées dans le tissu polyamide et retombent avec élégance, comme au bord d'un ruisseau ou sur le pignon d'un château. Au sommet, les buissons à port arqué - saules, spirées, Forsythia suspensa, loniceras et kerrias. Plus bas, les «fleurs de mur» - en anglais: wallflowers - campanules, giroflées, sedums et saxifrages. «Pas de lianes, précise Patrick Blanc, elles sont trop compliquées à gérer.»
Ses amis ne tarissent pas d'éloges sur ce jardin tapissé de verdure de haut en bas. En 1994, Jean-Paul Pigeat, le créateur du Festival des jardins de Chaumont-sur-Loire, lui demande d'y installer des murs fleuris. Sur les façades orientées au sud prospèrent les saules, les armoises, les buddleias et les lavandes. Au nord s'étendent toutes les variétés de fougères, ainsi que des bergenias et des luzules. Pour le grand public, c'est une révélation. Pendant cinq ans, les visiteurs vont s'extasier devant ces jardins verticaux. Les élus municipaux y voient une solution élégante pour embellir une place ou un rond-point. Les mécènes y trouvent une manière raffinée d'exprimer leur goût pour l'environnement. La fondation Cartier, à Paris, commande à Patrick Blanc un décor végétal pour le mur d'entrée de ses bâtiments d'exposition du boulevard Raspail. La commune de Doullens, dans la Somme, lui demande de fleurir les murailles de la citadelle où, chaque été, se déroule une fête des plantes. Yves Rocher, fabricant de cosmétiques féru d'écologie lui fait réaliser pour son musée du Végétarium de La Gacilly, dans le Morbihan, des palissades qui évoquent les différents climats de la planète.
Pour la ville de Gênes, en Italie, dans le nouvel aquarium construit par l'architecte Renzo Piano, le botaniste installe une forêt tropicale sur un immense mur de 18 mètres de longueur et 4 mètres de hauteur. Même les particuliers font appel à lui. «Aucun de mes murs ne se ressemble, précise Patrick, car tout dépend du climat et de l'exposition. On ne les trouvera jamais en kit.» Architectes et paysagistes l'associent désormais à leurs réalisations.
La municipalité de Lyon veut transformer le square Félix-Jacquier en forêt humide digne de la Louisiane. La Générale des eaux prévoit, pour son siège de Méry-sur-Oise, un immense tunnel sur le thème des rapports entre l'eau et la plante. Une sorte de musée vivant où l'on passerait en revue tous les écosystèmes de la planète. On finit par se demander pourquoi tant de jardins persistent à rester à l'horizontale...

Publié dans Les artistes

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