Oncle Vania

Publié le par Betty

Résumé et histoire de la pièce
Pièce en 4 actes :
 
Acte I : en principe, acte d'exposition, où l'on apprend l'histoire et l'identité des personnages. L'on apprend que Sérébriakov et sa jeune épouse Elena sont arrivés depuis un mois dans leur domaine campagnard, où vivent Vania et Sonia, le frère et la fille de la première épouse de Sérébriakov, et que depuis tout s'est déréglé dans la propriété. Nous découvrons également les autres personnages, Astrov, Téléguine, Maria, la grand-mère de Sonia, et la vieille nourrice Marina. Tout cet acte baigne dans une atmosphère d'oisiveté et de mélancolie : rien ne se passe. Vania fait une déclaration d'amour à Elena, qui la repousse.
 
 
Acte II : C'est la nuit ; Sérébriakov, insomniaque et hypocondriaque, tyrannise son entourage et se pose en victime. Vania propose à Sonia et Elena de les remplacer auprès de lui, mais le professeur, effrayé par un tête à tête avec celui qui a été son ami, mais qui à présent le hait, préfère aller se coucher. Vania réitère sa déclaration à Elena ; même réponse. Astrov, ivre, et Vania, analyse l'atmosphère de la maison ; Sonia tente de déclarer à Astrov son amour, mais celui-ci ne paraît pas comprendre.
Sonia et Elena se rapprochent ; Sonia comprend qu'Elena n'est pas une rivale dans son amour pour Astrov
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Acte III : Sonia demande à Elena de tester Astrov sur ses sentiments. Elena demande à voir les graphiques d'Astrov, mais ne s'y intéresse guère ; elle l'interroge sur Sonia, et la réponse est négative. Astrov, attiré sexuellement par Elena, l'embrasse au moment où entre Vania. Celui-ci est bouleversé.
Le professeur apprend à sa famille qu'il a décidé de vendre le domaine – qui appartient à Sonia ! – pour placer l'argent de manière plus lucrative, ce qui revient à en chasser Vania et Sonia. Hors de lui, Vania dit ce qu'il a
sur le cœur, puis il sort, suivi de Sérébriakov. En coulisse, on entend un coup de feu ; puis Vania tire, en scène, sur le professeur et le manque.
 
 Acte IV : Les Sérébriakov partent pour Kharkov : le professeur a renoncé à son projet. Vania, tenté par le suicide, a dérobé à Astrov un flacon de morphine que Sonia l'oblige à rendre. Elena et Astrov se voient une dernière fois, mais Elena se refuse à lui. Astrov s'en va à son tour ; son amitié pour Vania est morte. Vania et Sonia, restés seuls, se jettent dans le travail, mais Vania sombre dans le désespoir. Sonia le réconforte par son célèbre "oratorio" final.
 
Histoire de la pièce : 
 
Tchékhov avait écrit en 1889 une première pièce, le Sauvage ou l'Esprit de la forêt (en russe Liechi) dont le personnage principal, sous le nom de Khroutchev, était une première figure d'Astrov : un médecin passionné d'écologie, homme vertueux et rigoureux. L'histoire, centrée sur l'adultère, montrait Vania séduisant pour de bon l'épouse du professeur, mais se suicidant après la dénonciation de Khroutchev ; celui-ci épousait Sonia... Oncle Vania reprend les personnages, mais simplifie à l'extrême l'intrigue : Elena ne cède ni à Astrov, ni à Vania ; le suicide de celui-ci n'est plus qu'une velléité sans réalisation... en revanche, le personnage d'Astrov s'est enrichi : moins vertueux, plus cynique, il est aussi plus désespéré.
Oncle Vania paraît en 1897, dans un recueil de pièces ; elle sera jouée pour la première fois le 26 octobre 1899 au théâtre artistique de Moscou, avec Olga Knipper, la future femme de Tchékov, dans le rôle d'Elena.
 
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Lors de "Chalon dans la rue 2006", des potographies de la pièce (jouée en pein air) sur une musique de Yann Tiersen.
 
Les Personnages et le bonheur
 
Ils sont au nombre de cinq : le vieux professeur Sérébriakov, sa jeune épouse Elena, sa fille Sonia (née d'un premier mariage, elle est à peu près du même âge qu'Elena), Ivan Voïnitski, dit Oncle Vania, le médecin Astrov, et enfin Téléguine, propriétaire terrien ruiné, probablement à la suite des réformes de 1861. Chacun de ces personnages a sa propre conception du bonheur, et aspire à être heureux.
 
Alexandre Vladimirovitch Sérébriakov
Ce professeur à la retraite a cherché le bonheur, ou plutôt la réalisation de soi, dans le travail et la notoriété universitaire – ce qui, compte tenu de la situation des universités dans la Russie des années 1830-1890, suppose une bonne dose de soumission au pouvoir... Portrait violemment satirique du bonhomme, dans la bouche de Vania, p. 17
C'est un vieil enfant gâté, geignard et hypocondriaque (cf. p. 20), qui exige que chacun s'occupe de lui... Vivant dans l'oisiveté, il contamine tout autour de lui par son mal de vivre. Ironie suprême de son adieu : "Il faut agir et faire" (p. 94) ; lui qui n'a jamais rien fait !...
Il concentre sur sa personne plusieurs types théâtraux : le "senex" de la comédie latine qui a épousé une femme beaucoup plus jeune que lui (il a entre 65 et 70 ans, elle en a 27 !) ; le pédant, éloigné de la réalité, qui croit avoir accompli une œuvre importante, alors qu'il n'a écrit que des fadaises, et qu'il reste un parfait inconnu !
En retraite, il se sent exilé à la campagne, et regrette le temps de sa gloire (p. 34) ; incapable d'aimer, il tyrannise son entourage, et ne semble même pas profiter de la beauté d'Elena : il ne l'aime visiblement pas, et la traite comme une simple infirmière...
 
Éléna Andréevna
Jeune épouse du vieux professeur Sérébriakov, elle n'a que 27 ans. Elle affirme avoir épousé son mari par amour, non par intérêt, mais elle ne l'aime plus ; Vania et Astrov sont amoureux d'elle.
Elle s'ennuie : "je meurs d'ennui, je ne sais pas quoi faire" (p. 57) mais elle refuse de s'occuper du domaine comme le lui propose Sonia ; elle n'aime personne, et en particulier son vieux mari, à l'égard de qui elle a une attitude presque maternelle. Elle serait prête à tomber amoureuse d'Astrov – par ennui. (p. 62) ; mais elle recule, par souci des convenances. Petite bourgeoise soumise aux conventions, elle se définit par le mot "paresse".
 
Sofia Alexandrovna (Sonia)
Avec Vania, elle gère le domaine campagnard de son père Sérébriakov. Une vie sacrifiée, sans relations, sans amour, toute entière vouée au travail. Elle n'est pas belle, contrairement à Elena, mais elle est sensible, pure, pleine de qualités. Elle doit avoir une vingtaine d'années.
Elle aime sans espoir le docteur Astrov, qui ne la remarque pas.
Elle est l'une des seules à se préoccuper des autres, à consoler, à se montrer généreuse ; elle est aussi la seule à résister à la torpeur qui s'est emparée de la maison à l'arrivée de Sérébriakov et d'Elena, et à laquelle même Vania a succombé.
Contre toute espérance, elle s'efforce de continuer à espérer : c'est le sens de sa dernière tirade. Croit-elle réellement ce qu'elle dit, ou s'efforce-t-elle simplement de consoler Vania et d'oublier elle-même son échec amoureux et sa solitude ? Même empli de mots d'espoirs, ce "lamento" a des accents désespérés. Il n'y aura de "repos" et de bonheur que dans un au-delà auquel Tchékhov ne croit pas !
 
Ivan Pétrovitch Voïnitski (Oncle Vania)
47 ans ; il gère le domaine foncier de son ex-beau-frère, Sérébriakov, avec l'aide de la fille de celui-ci, Sonia. Une vie gâchée également ; il aime en vain Elena, et hait son vieux mari.
Il a tout sacrifié pour Sérébriakov : il a géré le domaine contre un salaire de misère, a contribué à payer les dettes, et a même aidé son beau-frère dans son œuvre, en traduisant des textes avec Sonia, le tout sans obtenir la moindre reconnaissance. C'est pourquoi, quand Sérébriakov parle de vendre le domaine, il explose et tente de le tuer.
C'est un homme élégant (il porte une "cravate de dandy"), cultivé (il cite du latin, évoque Dostoïevski et Schopenhauer) ; mais il a complètement manqué sa vie : jadis "homme phare", il a perdu toutes ses convictions ; sans doute attiré par Elena dès leur première rencontre – mais non suffisamment amoureux – il ne s'est pas déclaré et l'a laissée épouser Sérébriakov ; et il est incapable de la séduire. Intelligent et sensible, il ne réussit même pas sa sortie : le meurtre raté de Sérébriakov tourne au ridicule le plus total, et la tentation du suicide au puéril caprice.
Il ne lui reste finalement que l'alcool, l'ennui, et le travail sans perspective ni espoir...
 
Mikhaïl Lvovitch Astrov
Médecin (et donc proche de Tchékhov lui-même) ; désabusé et plus ou moins alcoolique, il se dévoue sans trop y croire pour ses malades. Une vie assez vide : "côté cœur, je ne sais pas, ça s'est mis en veilleuse. Rien ne me dit, je n'ai besoin de rien, je n'aime personne..." (p. 13)
37 ans environ, et la passion des forêts : il travaille pour l'humanité future, comme Tchékhov lui-même. Il est effrayé de la dégénérescence de la nature, que n'accompagne en Russie aucun progrès social : il a les préoccupations de Tchékhov lui-même, dont il est le porte parole. Cf. p. 63-65. Il est l'un des seuls personnages, avec Sonia, qui n'ait pas pour unique préoccupation sa propre personne ! Cette passion "écologiste", qui en fait un visionnaire et un précurseur, est vécue par ses proches comme une lubie sans intérêt. Sonia ne s'y intéresse que par amour, et Elena ne cache pas son ennui...
Peut-être d'ailleurs ne faut-il pas prendre trop au sérieux son idéologie "écologiste" : cela ne peut qu'évoquer la philosophie passéiste d'un Tolstoï, qui a longtemps séduit Tchékhov, mais dont il s'est détaché au moment où il écrit Oncle Vania : ainsi, il fait dire à Astrov :
"J'aime la forêt – c'est étrange ; je ne mange pas de viande – ça aussi, c'est étrange".
Mais en 1894, il avait écrit à son ami Souvorine : "Quant à la philosophie tolstoïenne, elle m'a touché profondément, j'ai été subjugué par elle pendant dix-sept ans environ... Mais maintenant, quelque chose en moi proteste ; le raisonnement et le sens de la justice me disent que dans l'électricité et dans la vapeur il y a plus d'amour du prochain que dans la chasteté et le refus de manger de la viande."
Astrov est donc l'image d'une philosophie, idéaliste et passéiste, que Tchékhov récuse.
En revanche, il ne se préoccupe nullement de Sonia... et il désire Elena Seul ami de Vania, il s'en sépare à cause de sa rivalité avec lui à cause d'Elena... et pourtant, il la quitte sans regret. Contrairement à Vania, il n'éprouvait pour elle qu'un désir physique, sans la moindre sentimentalité.
Alcoolique, mais lucide, il sait que la vodka est le seul moyen de rendre sa vie supportable.
 
Ilia Ilitch Téléguine, dit "La Gaufre"
Propriétaire foncier ruiné, parrain de Sonia, et qui vit au domaine. C'est le type même de l'imbécile heureux, en constant décalage avec le réel.
Pourtant, son existence à lui aussi fut terrible : affligé d'un physique peu séduisant, le visage criblé de marques de petite vérole (d'où son surnom), abandonné par sa femme le jour même des noces, il a pourvu à l'existence de cette dernière et des enfants qu'elle a eus d'un autre... et il se retrouve parfaitement seul.
Incapable de faire autre chose que manger, boire, chanter et jouer de la guitare, il est l'incarnation même d'une vie parfaitement creuse et inutile.
 
Marina, la nourrice
Elle représente "l'âme russe" : passive, elle rejette tout changement dans l'ordre des choses (les bouleversements apportés par les citadins l'ont exaspérée et scandalisée), et elle ne prend rien au sérieux : "ils vont crier, les jars, et puis se taire". (p. 80). Toute sa sagesse, et tout son bonheur tiennent dans l'acceptation fataliste, résignée, de ce qui est.
 
Conclusion :
Aucun des personnages n'a donc réussi à atteindre le bonheur ; tous sont marqués par l'échec et la désespérance. Sérébriakov et la gloire universitaire, Astrov et l'action "écologique", Sonia, Elena, Astrov, Vania et l'amour... tous échouent à trouver le bonheur. Celui-ci ne serait-il qu'une pure illusion ? La seule échappatoire est-elle le travail ?
La pièce, rappelons-le, présente un huis clos, dans le domaine du riche universitaire Serebriakov. La propriété est mise en valeur par la grand-mère, la fille issue d’un premier mariage et l’oncle Vania. Ils passent leurs nuits à faire les comptes, les jours à se serrer la ceinture dans la religion de cet intellectuel qui, à la retraite, dévoile la vanité de leur vie et de leurs rêves.
Il y a également le docteur Astrov, pour qui la défense de la nature va de pair avec l’éloge de la création humaine et la destruction de la première avec l’abaissement de la civilisation ; une nourrice, un valet. Serebriakov revient en compagnie de sa jeune et jolie épouse, Elena, dont la jeunesse va attiser les braises de la désillusion devant le temps passé.
Vania prend conscience du gâchis que constitue le sacrifice de sa vie pour servir un être qui ne le mérite pas. « Un homme qui parle et qui écrit sur l’art pendant très exactement vingt-cinq ans, et qui ne comprend rigoureusement rien à l’art. Pendant vingt-cinq ans, il remâche les idées des autres sur le réalisme, le naturalisme et autres fadaises du même genre ; pendant vingt-cinq ans, il parle et il écrit sur ce que les gens intelligents savent depuis belle lurette et qui n’intéresse pas les imbéciles ; et donc, pendant vingt-cinq ans, il ne fait rien que remuer du vent. Et, pendant tout ce temps-là, pour qui ne se prend-il pas ! Quelles prétentions ! Il est à la retraite, son nom ne dit rien à personne, c’est l’inconnu parfait ; donc, pendant vingt-cinq ans, il a tenu la place d’un autre. »
 
La mise en scène du "Théâtre de l'unité"
 
Oncle Vania à la campagne, c'est tout le suc du théâtre de l'Unité, compagnie pionnière des trottoirs, qui n'a jamais abandonné son attachement à la salle et aux grands textes. Hommage à ces pionniers, qui célèbrent bientôt quarante ans d'existence.
On raconte souvent l'anecdote selon laquelle Tchékhov, excédé par le naturalisme des mises en scène de ses pièces par Stanislavski, rêva d'écrire la réplique suivante : « Quelle belle journée ! On n'entend ni oiseau, ni cloche d'église, ni chant dans la campagne, tout est calme, silencieux ... ». Pourtant les textes du dramaturge regorgent souvent de ces petites références au temps, aux sons, aux émois de la nature, qui rendent si particulier son travail de « recréation de la réalité ».

On sait que Jacques Livchine est d'origine russe, il le clame depuis si longtemps qu'on ne peut l'ignorer ; on sait aussi qu'il aime les grands espaces : ses tentatives de mise en scène aux Angles (près d'Avignon) sont là pour le prouver. On sait sans doute moins qu'il adore Tchékhov et le connaît parfaitement, intimement, ce qui le rend capable d'éclairer, comme nul autre, l'univers de l'écrivain dans le contexte plus large d'un pays en voie de totale mutation.

A l'aube d'une révolution
Jamais un théâtre national ne pourra s'offrir, quelle que soit la grandeur de son plateau et les dons de son éclairagiste, le décor halluciné d'une campagne en fin d'après-midi, avec ses champs, ses animaux, son soleil qui décline pour laisser la place aux premières étoiles accompagnant le lever de la lune. Le théâtre « de rue », ou plutôt « dehors », dans son apparent dénuement, peut se payer le luxe d'une scénographie telle qu'en a rêvé Stanislavski pour sûr, et que ne renieraient pas les cinéastes qui souhaiteraient s'attaquer à une mise en « conditions réelles » de la pièce phare du répertoire tchékhovien.
Mais il ne s'agit pas ici d'une simple transplantation au milieu des prés et du colza. L'Unité, dans son adaptation, fait preuve d'une rare intelligence du texte et de son contexte, et nous fait la grâce de nous en confier quelques clés. Ainsi, le personnage d'Olga, la femme de Tchékhov, nous guide-t-elle en nous livrant le contenu de quelques-unes des lettres de son mari. De même apparaît en scène, pour la première fois de l'histoire des mises en scène d'Oncle Vania, sans doute, Vera, personnage-clé s'il en est puisque, première femme du Professeur, c'est elle qui possédait la propriété et l'a léguée à sa fille. Ce « fantôme », de blanc vêtu, dissimulée sous un voile tel que les belles dames les portaient à la grande Epoque pour se protéger du soleil, donne à la fois une « couleur locale » et temporelle à l'ensemble de la pièce, mais permet aussi aux metteurs en scène (Jacques Livchine et Hervée de Lafond) de mettre en valeur le thème réel de la pièce : le démantèlement d'une propriété terrienne à l'aube d'une révolution qui plongera tout le pays dans le chaos.
Dès lors, la « figuration† » très picturale des moujiks dans les champs prend tout son sens.
De même, les balades du professeur : apparemment absent du coeur de la pièce, mais terriblement présent si l'on considère qu'il passe la plupart de son temps à jauger l'étendue du domaine et de ses ressources, en vue de faire la meilleure affaire. Comment, mieux qu'en montrant aux spectateurs, physiquement (dans l'espace et dans le temps qui passe, de façon concrète et métaphorique), faire percevoir tous les enjeux de la pièce ? L'histoire commence par une bluette, une histoire de fesses entre la jeune femme du Professeur et le Docteur, que dore la lumière de l'après-midi. Mais le vrai drame, l'annonce de la vente de la propriété, se passe à la nuit tombante, et le pauvre Vania, lorsqu'il avoue « Je n'ai plus de force », le fait à la lueur de la chandelle, bien utile car les premières étoiles piquent le ciel assombri.

De la rue aux larmes
C'est tout le savoir faire de décennies passées à jouer dehors et dedans qui permet au Théâtre de l'Unité de rendre passionnant ce spectacle, et pas seulement l'intelligence de la dramaturgie, d'une finesse rare. C'est dans le jeu exalté de Pancho Jimenez, hallucinant Vania, incarné jusqu'à la pointe du chapeau et des pirouettes, comme seul un artiste de rue, « corporel » avant tout, sait l'être, que l'on trouve sans doute la meilleure réponse aux contempteurs des arts du bitume. C'est l'humour signé UnitÉ qui donne la distance et permet à l'ensemble de la mise en scène d'être à la hauteur de l'adaptation. Combien de Vania n'a-t-on vu, dégoulinants de bons sentiments, d'âme prétendument slave (ou plutôt de l'image que l'on s'en fait), souvent prétexte à des épanchements de comédiens en mal de souffrance soi-disant contenue ?
Rares sont les Vania où l'humour est mis en exergue. Pourtant Dieu sait que Tchékhov n'en manque pas et que c'est justement cet humour qui permet à la nostalgie d'un monde en train de s'effriter et à la sensibilité des personnages (de la colère aux larmes) de prendre toute leur dimension.

Du grand théâtre, vraiment, une crème, une élite de théâtre, pour tous, résolument et farouchement. Et les élèves du Lycée agricole de Fontaines ne diront pas le contraire : attentifs sur les gradins ou sur scène, avec les vaches (lauréates de concours agricoles) qui font partie intégrante de la pièce, c'est d'eux que la pièce parle, des gens de la campagne, et des intellectuels qui, pour une fois, se trouvent rassemblés face à Tchékhov et partagent de concert le bortsch fumant servi à l'issue du spectacle. Cette longue soirée est un cadeau grandiose que le théâtre nous offre décidément trop rarement.

Oncle Vania
Théâtre de l'unité
Mis en scène par Jacques Livchine et Hervée de Lafond

Non pas à la campagne mais en salle au Théâtre Edwige Feuillère à Vesoul, le 10 mai 2007...
Grande journée anniversaire ainsi que l'a souligné Hervée de Laffond en prologue.

 

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Publié dans Les artistes

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